Et si PSA devenait Facebook ?
Impossible d’échapper à l’actualité autour de PSA et de l’automobile française en général. Et pour cause : avec potentiellement 8 000 emplois dans la balance à l’horizon 2014 dans l’usine d’assemblage d’Aulnay-sous-Bois, le dossier a revêtu dès le départ une portée politique. Le gouvernement s’étant en effet fixé pour objectif de conserver les emplois industriels en France, la tension est palpable en ce jour de rentrée.
Loin de moi de décider qui, des partenaires sociaux, des dirigeants de PSA ou du gouvernement, a raison ou non, je vous propose un petit exercice naïvement utopique, une vue de l’esprit, sur l’avenir de PSA : et si l’innovation sortait l’industrie automobile de l’ornière (no pun intended) ?
Bien entendu, vous seriez en droit de me faire remarquer que ce genre de truisme ne mène à rien sans proposition concrète. En outre, « être une entreprise » innovante est devenu une espèce de voeu pieu, que certaines organisations se répètent comme un mantra pour y parvenir. Je suis d’accord, mais laissez-moi vous exposer une vision.
La différence entre plateforme et application
Dans l’excellent ouvrage d’Henri Verdier et Nicolas Colin, l’Age de la Multitude, les auteurs y décryptent les clés de l’économie numérique, en s’interrogeant particulièrement sur la notion de valeur et de croissance. Si vous lisez notre blog régulièrement, vous savez que nous nous intéressons avant tout à ces sujets. Ils y exposent notamment le concept de multitude, que l’on pourrait résumer par la somme des individus, de leurs interactions, leurs goûts, ou leur créativité. Le succès des récentes entreprises du numérique que sont les Apple, Facebook et autres, tiendrait en leur capacité à « capter » cette multitude. Plus encore, paraphrasant Steve Yegge dans son célèbre billet accidentel sur Google Plus, ils expliquent que la valeur tient aussi dans la capacité qu’a une application à se transformer en plateforme. Une application rend le service pour laquelle elle est conçue. Une plateforme fournit quant à elle les outils de libérer le potentiel créatif de ses utilisateurs.
Par exemple, l’entreprise de jeux sociaux Zynga est une application, qui fonctionne grâce à une plateforme : Facebook. Il existe une multitude de plateformes, pouvant prendre des formes très différentes (système d’exploitation, stores d’applications, etc.). Il est important de noter que la plupart des plateformes ont d’ailleurs commencé comme des applications, et que beaucoup de plateformes conservent l’application « mère » qui a fait leur notoriété. De plus en plus, l’ouverture des « moteurs » propulsant ces startups (via des API, cf. l’article d’Antoine à ce sujet) leur permet à la fois de dégager de nouveaux revenus, de réaliser des économies d’échelle, et de conforter leur position en adressant plusieurs marchés séparément. Si l’on reprend l’exemple de Facebook, les utilisateurs de Zynga feront mécaniquement un usage plus grand des autres fonctions de Facebook. Réciproquement, les chances d’être invité à cultiver une ferme (dans Farmville, jeu de Zynga) augmentent grâce aux mécanismes inhérents de la plateforme (sa composante sociale). C’est donc une logique gagnant-gagnant pour les deux parties. Bien malin qui saura distinguer qui de Zynga ou de Facebook est le client, qui est le fournisseur ! Ce changement dans la chaîne de valeur conduit les auteurs de l’ouvrage à parler de sur-traitants. C’est le terme que nous retiendrons dans la suite.
Bon, et PSA dans tout ça ?
Et si l’on appliquait cette logique de plateforme à d’autres secteurs ? Au cours d’une discussion, un ami m’a mis au défi d’appliquer ce principe à d’autres secteurs que le numérique, comme par exemple à l’automobile. Ce billet constitue en quelque sorte ma réponse 🙂
Imaginons un instant que PSA « ouvre » son savoir-faire de production d’automobiles. Cela inclut la sélection d’équipementiers compétents, l’assemblage, le contrôle qualité, le recrutement et la formation de personnel… Maintenant, supposons qu’un cabinet de design indépendant conçoive des modèles de voitures, se charge de les commercialiser, d’en faire la promotion et la distribution, mais en confie la réalisation à PSA. Pour ce cabinet, la barrière à l’entrée pour devenir constructeur automobile devient franchissable ! Il n’a plus à ce soucier des lourds investissements technologiques, fruits de dizaines d’années d’activité du constructeur. Il peut en revanche construire sa propre marque, s’adresser à une clientèle qui peut-être n’aurait jamais acheté de Peugeot ou de Citroën, mieux comprendre les attentes de certains segments de clientèle…
En d’autres termes, PSA deviendrait une plateforme, ne présupposant pas des usages ou innovations que d’autres sauraient trouver à sa place. Comme un Facebook, ou un Microsoft, l’entreprise qui propose un genre d’environnement de développement, serait alors à même de capter la multitude créative, tout en en récoltant les fruits. PSA, par Citroën, a d’ailleurs compris ce principe avec la DS : la possibilité de personnaliser à l’extrême les couleurs fait qu’il n’existe pratiquement pas deux véhicules identiques !
Bien entendu, il faudrait définir des cadres à cette plateforme d’un nouveau genre, pour délimiter le périmètre des sur-traitants. Clauses « business », clauses juridiques, mais aussi un champ des possibles « technologique », permettant de réaliser les concepts dans la réalité, et si possible en série. Culturellement, cela nécessiterait également d’envisager différemment la manière de concevoir, produire et vendre une automobile, et risquerait de ne pas plaire à tout le monde. Les constructeurs le font déjà un peu, en passant des partenariats exclusifs sur la motorisation, en construisant des plateformes communes (et en se contentant de changer les badges), mais aucun jusque ici n’a permis de libérer toute la puissance créative de la multitude. Mais je vous avais prévenu : il s’agit juste d’une vision un peu benoîte…
Qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à nous faire part de votre opinion dans les commentaires !