Home > Perspectives > Les collaborateurs, ces grands oubliés de la transformation en entreprise

Le confinement s’est révélé être une parfaite occasion de prendre du recul. Quel bilan tirer depuis la dernière crise systémique ? Et quelles orientations prendre pour les dix prochaines années ? Sans surprise, les groupes peuvent mieux prendre en compte l’humain dans leurs transformations.

 

En entreprise, la dernière décennie a été celle de la transformation. Digitale, organisationnelle, managériale, de business model, bref, la transformation tous azimuts. Oui mais voilà, lorsqu’on est soumis au diktat des présentations trimestrielles aux marchés, on veut pouvoir montrer que ces coûteux programmes de transformation sont rentables. Et le plus vite sera le mieux.

 

Alors on accélère. Cette vision cible dont on sait, au fond, qu’il faudrait 2 ans pour la mettre en place et réaliser les gains subséquents, on la déploie finalement en 6 mois. Forcément, il y a des étapes que l’on a comprimées voire annulées. Et ce sont bien souvent celles qui devaient permettre aux femmes et aux hommes de comprendre, d’apprendre, de se préparer à cette vision cible.

 

L’humain, victime systématique d’une approche court-termiste de la transformation

 

Quelles conséquences à cette accélération ? Si la redistribution de valeur aux actionnaires a plus que doublé entre 2009 et 2019[1], du côté des collaborateurs, la situation est toute autre. En 10 ans, le nombre de burnouts et autres pathologies psychologiques du travail a été multiplié par 6[2]. Et c’est sans compter les souffrances non reconnues, diagnostiquées ou comptabilisées qui pourraient toucher jusqu’à près de 52% des salariés[3].

 

Mais que font les RH ? Ironie de l’histoire, ils étaient eux-mêmes occupés à se transformer. Munis de SIRH modernes et unifiés, les tâches transactionnelles ont été transférées aux managers et aux collaborateurs. Et grâce à ce temps libéré, la fonction RH a pu se professionnaliser et devenir un véritable business partner. Elle a gagné en vision stratégique, ne craint plus de parler d’égal à égal avec le métier et est revenue à la table des décisions. Mais, de l’aveu même de nombreux professionnels, elle en a bien souvent perdu de vue le collaborateur.

 

Le constat est sans appel, mais sans proposition il resterait stérile. Voici donc 5 idées concrètes que pourra s’approprier tout leader cherchant à transformer avec ses collaborateurs plutôt qu’à leurs dépens.

 

Le sens et les compétences ne sont pas des concepts, ce sont des actifs dans lesquels investir

 

Transformer avec ses collaborateurs, c’est déjà donner du sens à la transformation. La crise actuelle n’a fait que souligner le manque de sens pour certains quand pour d’autres il est devenu évident. Le sens, c’est la pierre angulaire d’une transformation humaine car il définit la boussole de la fameuse « expérience employé ».

 

Transformer avec ses collaborateurs, c’est encore mieux anticiper les métiers et compétences critiques qui permettront de progresser à travers des innovations durables. C’est, avec les équipes, penser des organisations qui donnent des horizons de progression et des espaces de liberté pour innover et s’épanouir.

 

Transformer avec ses collaborateurs, c’est encore s’attaquer au défi du développement des compétences : près d’un milliard de personnes à reformer d’ici 2025 selon le World Economic Forum. Les entreprises doivent prendre leur part avec la formation, en y consacrant plus de ressources et en améliorant son efficacité.

 

L’humain mérite d’être considéré comme un sujet d’excellence

 

Transformer avec ses collaborateurs, c’est aussi se doter d’outils et de processus afin de suivre des indicateurs humains : engagement, bien-être, diversité et inclusion. Et au-delà de les surveiller, les inscrire dans les objectifs des décideurs au même rang que les indicateurs opérationnels et financiers.

 

Transformer avec ses collaborateurs, c’est enfin construire une filière d’excellence de la gestion de l’humain, couvrant les aspects business et les sciences humaines. Dès l’enseignement supérieur mais aussi au sein des entreprises, en intégrant cette dimension dans les parcours des futurs leaders.

 

La crise du Covid-19 a été dans sa première phase un moment de repli vers les professionnels RH en mode survie : paie, santé-sécurité et dialogue social. La décennie à venir réclame des entreprises leaders dans le développement humain. Et qui mieux qu’une fonction RH remise au centre de la scène pour embarquer les autres décideurs vers cette prise de conscience ?

Antoine Aubois

Co-Founder & Partner