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Comment devenir le « Didier Deschamps » des DRH

En 1955, Churchill dévoile à un journaliste le secret de sa bonne santé : « Cigars, whisky… no sport ! ». Chez AKOYA, n’en déplaise à l’illustre Premier Ministre de Sa Majesté, nous pensons que les entreprises pourraient au contraire s’inspirer plus largement du management des sports collectifs, notamment en matière de performance du Capital Humain.

 

Le sport, un secteur atypique pour le Capital Humain

Avant toute chose, posons le postulat de départ : les sports collectifs constituent, à bien des égards, un domaine unique en matière de Capital Humain. Si les joueurs d’une équipe peuvent être comparés aux salariés d’une entreprise, des différences majeures les séparent. En premier lieu, le CDI n’existe pratiquement pas dans les sports collectifs, le CDD étant la norme (la Convention collective nationale du sport admet en effet le recours au CDD d’usage). Plus singulier encore, les sportifs professionnels constituent un actif tangible – et donc valorisable – pour leur club. Dans la plupart des sports collectifs en effet, le transfert d’un joueur sous contrat d’un club à un autre fait l’objet d’une indemnité financière plus ou moins importante. Cette indemnité est en partie justifiée par le rachat des années de contrat restantes du joueur. Plus généralement, on peut considérer que, pour la plupart des clubs sportifs, le Capital Humain est l’actif le plus important en valeur.

Par ailleurs, la prestation des joueurs ayant un impact direct sur les résultats de l’équipe, la performance du Capital Humain dans un club sportif est on ne peut plus stratégique. Dans l’entreprise, même si le Capital Humain ne constitue pas une richesse tangible, on est en droit de penser (en tout cas, chez AKOYA, on le pense) qu’il constitue un actif tout aussi stratégique dans la mesure où il contribue directement à la performance de l’entreprise.

Le monde sportif, via l’utilisation grandissante des data, a développé des pratiques innovantes d’analyse de la performance, tant individuelle que collective. Sans nécessairement appliquer stricto sensu ces pratiques, les entreprises ne peuvent que gagner à s’en inspirer.

 

Analyser la performance individuelle

En matière d’analyse de la performance individuelle des joueurs, le football est probablement un des sports les plus avancés. L’utilisation massive des data permettant de passer au crible la performance de chaque joueur date du début des années 2000. Aujourd’hui, des entreprises spécialisées sur le sujet, telles qu’Opta Sports ou Prozone, offrent aux clubs l’accès à des technologies inédites d’analyse de la performance par la statistique. A titre d’exemple, Opta Sports collecte plus de 1600 actions individuelles pour chaque match de football.

 

 

En sport, l’analyse statistique de la performance individuelle a deux principaux champs d’application : le recrutement ciblé d’une part, et l’optimisation des ressources d’autre part.

En ce qui concerne le recrutement, l’application au monde de l’entreprise paraît – à l’heure actuelle – pour le moins ambitieuse. S’il est possible de compiler un grand nombre de statistiques sur chaque sportif, dont les performances sont publiques, le même processus semble irréalisable pour trouver le candidat idéal, notamment dans le cadre d’une recherche en externe.

En revanche, l’optimisation des ressources grâce aux statistiques laisse plus de perspective d’espoir. En football, le cas du gallois Gareth Bale, relaté dans cet excellent papier de L’équipe, laisse rêveur. A l’été 2009, le club anglais de Tottenham cherche à se débarrasser de cet arrière gauche que l’on dit prometteur, mais qui tarde à confirmer. Persuadé que le joueur a du potentiel mais qu’il est mal utilisé, le directeur du département « Performance » du club arrive à convaincre le coach de Tottenham, statistiques à l’appui, de le repositionner ailier gauche. Les résultats ne se font pas attendre, et G. Bale, élu meilleur joueur de Premier League à la fin de la saison, sera transféré au Real Madrid pour la somme – aujourd’hui encore inégalée – de 100 M€.

Cet exemple inspirant de mobilité interne pourrait faire école dans le monde de l’entreprise ! L’émergence du Big Data (relire le livre blanc d’AKOYA sur le sujet) permet aujourd’hui aux entreprises d’analyser de grandes masses de données concernant, entre autres, leurs collaborateurs. En réussissant à analyser les compétences des collaborateurs de manière décorrélée de leur métier, la qualité des décisions de mobilité interne se verrait probablement améliorée, à la fois pour les collaborateurs et pour l’entreprise elle-même. Ici, tout l’enjeu réside dans la capacité de l’entreprise à évaluer précisément la performance de ses collaborateurs, hors du contexte de leur métier.

 

Mieux intégrer la performance collective

Plus encore que sur la performance individuelle, le sport a plusieurs longueurs d’avance sur l’entreprise en matière d’analyse de la performance collective.

Mais tout d’abord, qu’entend-on par la notion de performance collective ? Il s’agit, très simplement, de considérer que la valeur d’un collectif est supérieure à la somme des valeurs individuelles des éléments qui le composent. Cette notion renvoie au concept plus global d’intelligence collective, fondamentale dans les sports collectifs (nous vous recommandons vivement le documentaire de France 5 sur le sujet !).

Afin d’analyser et d’optimiser la performance collective, l’utilisation des data dans les sports collectifs est – une fois encore – prépondérante. Illustrons ce phénomène avec un exemple, une fois encore tiré du football (on sait, on radote un peu). Depuis 2005, l’équipe nationale allemande (Championne du Monde en titre, rappelons-le !) est en partenariat avec l’université des sciences du sport de Cologne, qui lui remet régulièrement des rapports statistiques visant à optimiser sa performance collective en fonction de ses adversaires. Une force qui a notamment permis à l’Allemagne de préparer parfaitement sa confrontation contre le Brésil lors du Mondial 2014, pour le résultat que l’on connait (victoire écrasante 7 buts à 1).

Plus généralement, le principe selon lequel il ne suffit pas d’additionner les talents pour obtenir une équipe talentueuse est largement accepté dans les sports collectifs, aussi bien que dans le monde de l’entreprise. D’autres paramètres qui déterminent la qualité des interactions entre les membres d’une équipe doivent être pris en compte, tels que la complémentarité, la coordination ou la communication.

Le monde de l’entreprise peut en tirer deux enseignements.

En matière de recrutement tout d’abord, il est important de prendre en compte l’apport collectif d’un candidat, au-delà de son apport individuel. S’il n’est pas forcément évident d’évaluer avec précision la complémentarité d’un candidat avec un collaborateur en poste, il est parfois possible de forcer le destin. L’étude « Comobility », signée par Matt Marx & Bram Timmermans, et reprise par Olivier Schmouker dans un article que vous pouvez retrouver ici, souligne les effets positifs du recrutement simultané de plusieurs collaborateurs d’une même entreprise. L’étude montre notamment que ce phénomène de « comobilité », qui représente tout de même 11% de la mobilité professionnelle (source : étude « Comobility »), est particulièrement bénéfique pour la productivité des employés concernés.

D’autre part, la dimension collective de la performance doit être prise en compte dans la Gestion des Talents de l’entreprise. Se pose alors la question fondamentale de la mesure de la performance collective. Sur ce sujet épineux, il semblerait que les entreprises se limitent trop souvent à l’évaluation par le résultat, et à l’analyse a posteriori de ce qui n’a pas fonctionné (nous vous invitons à ce sujet à consulter l’article d’Arnaud Trenvouez, publié par FocusRH). Aujourd’hui, des modèles d’analyse comportementale des membres d’une équipe existent : il s’agit de considérer, en temps réel et non a posteriori, certains éléments décisifs de la performance collective tels que l’agilité, la coordination ou encore la prise de décision.

Si la notion de performance collective est encore balbutiante dans bon nombre d’entreprises, d’autres ont d’ores et déjà pris le sujet à bras le corps. L’Oréal, qui a mis en place une équipe en charge du « développement collaboratif » au sein du groupe, en est un exemple parmi d’autres.

 

Des data… et des hommes !

Avec l’émergence du Big Data, la quantité de données exploitables pour la mesure de la performance, tant individuelle que collective, est en forte croissance. Néanmoins, cela ne règle pas entièrement une autre question fondamentale : que mesure-t-on ? Et comment le mesure-t-on de façon objective ? L’occasion de rappeler que, s’il est important d’avoir des data à analyser, l’humain reste prépondérant dans le choix de celles que l’on analyse !