Home > Perspectives > Non l’Industrie 4.0 ne va pas remplacer tous les métiers industriels

Perspectives

by Akoya

La transformation digitale touche toutes les dimensions de l’entreprise. D’un point de vue de consommateur nous la percevons à travers la généralisation du commerce en ligne après avoir vécu la digitalisation de nos relations sociales.

Moins visible, le monde industriel n’en est pas moins épargné par cette transformation. Habitué aux révolutions, il lui a même donné un nom : l’Industrie 4.0. Et si certains rêvent de cette transformation, d’autres la redoutent, notamment en raison de ses conséquences sur l’humain, dont les contours peinent parfois à être anticipés.

Christelle Villard, Manager, Xavier Le Page, Senior Manager et Antoine Aubois, Partner chez Akoya Consulting, cabinet de conseil en stratégie dédié aux enjeux humains, livrent leurs observations sur les impacts majeurs de l’Industrie 4.0 sur les effectifs, les métiers et les compétences à travers une série de trois articles.

L’idée est d’aller au-delà des idées préconçues sans naïveté ni cynisme mais toujours avec bienveillance et pragmatisme.

Comme évoqué dans le premier article de notre série sur l’Industrie 4.0, cette nouvelle révolution industrielle sera loin d’être neutre en termes d’impact sur les populations industrielles. Nous avons vu que, bien que réel, cet impact restait relatif et maîtrisable d’un point de vue social. Mais cet état de fait aux bornes d’un site ne cacherait-il pas des réalités plus inquiétantes lorsque l’on zoome sur les différents métiers ?

Segmenter les métiers pour une analyse fine

Répondre à cette question nécessite, en premier lieu, de définir les contours des métiers en question. Et pour cela, bâtir une segmentation métier. Et si, pour ce faire, la tentation est grande de s’appuyer sur les organisations existantes, cette approche reste bien souvent incomplète.

Chez Akoya, nous préférons en effet construire ces référentiels métiers sur la base des compétences mobilisées au quotidien par les emplois. Sont ainsi regroupés au sein de segments communs des métiers partageant un socle de compétences très proche. Ces segments sont alors, à leur tour, groupés avec d’autres segments mobilisant des compétences similaires au sein de familles de métier cohérentes. L’arbre de segmentation matérialise alors assez naturellement les mobilités les plus évidentes entre métiers, puisque par construction, les métiers d’une même famille présentent un moindre différentiel de compétences.

Des métiers répétitifs menacés en premier lieu

Disposant de cette segmentation, l’enjeu est alors de quantifier, métier par métier, l’impact de chacun des projets relatifs au programme d’Industrie 4.0 d’un site industriel donné. Les premières révolutions ont visé à remplacer les travaux de force physique mais ont conservé en usine un certain nombre de tâches répétitives qui ne laissent que peu de marge de manœuvre aux opérateurs. C’est alors que la machine a pris le relai avec la robotisation.

Une des nouveautés de l’Industrie 4.0 réside dans l’autonomie dont peuvent désormais bénéficier les robots. Autrefois cantonnés à une tâche bien définie dans un environnement sécurisé, ils peuvent désormais, grâce à l’intelligence artificielle, évoluer de façon autonome dans un environnement ouvert. Il en est ainsi des AGVs (Automated Guided Vehicle) prenant la place des chariots élévateurs et de leurs conducteurs, ou encore des cobots qui directement positionnés sur une ligne peuvent remplacer un poste d’opérateur.

Ce sont donc les métiers qui requièrent le moins de capacité humaine d’adaptation qui sont les premiers remplacés. Vont-ils pour autant disparaître entièrement ? Nous constatons sur le terrain que cette décroissance est bien souvent progressive. En effet, même s’il vient directement remplacer un opérateur et sa machine, le retour sur investissement du robot autonome est long à obtenir et parfois trop long pour que sa mise en place soit jugée pertinente. C’est ainsi que de nombreux métiers dont on nous annonce la disparition depuis de très nombreuses années existent encore bel et bien autour de nous. Dans une proportion moindre mais sans être pour autant menacé d’extinction à court terme.

De nouveaux métiers en nombre contenu

Nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer, et c’est d’ailleurs une condition nécessaire de l’existence des robots autonomes, les lignes de production deviennent truffées de capteurs en tout genre. Et là où une mesure était prise ponctuellement par un opérateur, celle-ci peut désormais être réalisée en temps réel par la ligne elle-même.

Et c’est cette donnée qui va permettre au site industriel de gagner en efficacité. Mais pour cela il faut des personnes à même d’en tirer les bonnes informations. C’est ainsi que l’on voit apparaître sur des sites modernisés, plus de rôles ayant pour principale mission d’analyser cette donnée et d’en tirer des améliorations continues.

On va retrouver aussi des rôles permettant d’assurer le bon fonctionnement de ces nouveaux outils. On peut penser notamment à la demande croissante d’automaticiens ou encore au besoin local de responsables de systèmes informatiques industriels en charge d’assurer le fonctionnement continu de l’ensemble de ces applications devenues critiques dans le processus de production.

Il est en revanche important de rester mesuré sur la quantité du besoin pour ces nouveaux métiers. L’usine de demain ne sera pas peuplée d’une armée de Data Scientists issus des GAFA. Le niveau de compétence requis en permanence en usine reste en effet modéré par rapport à ce qui peut être attendu dans les activités de bureau.

Beaucoup de métiers en transformation

Il n’en reste pas moins que l’essentiel des métiers va évoluer. S’il y aura toujours besoin d’un opérateur de ligne, son rôle va fortement se transformer. Pas au point de considérer cette cible comme un nouveau métier. Mais certainement comme un métier différent nécessitant un accompagnement des collaborateurs l’exerçant.

À titre d’exemple, disposant désormais de ses propres capteurs, la ligne peut maintenant connaître d’elle-même son état de fonctionnement et ainsi en avertir proactivement l’opérateur. Celui-ci se retrouve alors déchargé d’une tâche de surveillance au profit de nouvelles activités, parfois dans des domaines connexes.

L’opérateur sera par exemple amené à lui-même analyser une partie des données et des alertes produites par les machines. Ainsi, les métiers de demain tireront leur valeur ajoutée du fait qu’ils mobilisent l’intelligence et la capacité humaine d’adaptation que les robots ne sont pas encore capables d’égaler à un coût comparable.

Mais cette transformation, de prime abord tout à fait positive et bénéfique n’en nécessite pas moins un véritable accompagnement du changement. Nombreux sont ceux qui ont progressivement trouvé, de manière avouée ou non, un confort dans la répétition de leurs tâches quotidiennes.

Ces nouvelles activités vont ainsi demander la maîtrise de nouvelles compétences. Techniques bien sûr, mais aussi et pour beaucoup comportementales. Et c’est précisément ce que nous vous proposons d’approfondir dans le prochain article de cette série dédiée à l’Industrie 4.0.

Les autres articles de la série :

Article 1 « Non l’industrie 4.0 ne devrait pas être responsable du prochain plan social industriel »

Article 3 « Non l’Industrie 4.0 n’imposera pas aux opérateurs de devenir Data Scientists » 

 

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Antoine Aubois Co-fondateur

Xavier Le Page Senior Manager

Christelle Villard Manager