Mais finalement, pourquoi être la plus belle… marque employeur ?
Au CICR (Comité International de la Croix Rouge), la Marque Employeur (ME) dépasse les enjeux traditionnels de la communication. Audrey Fonteneau, à la Direction du Recrutement, nous raconte un entretien : « quand j’ai demandé à un candidat ses motivations à intégrer le CICR, il m’a répondu qu’en tant que Rwandais, il avait beaucoup d’admiration pour cette organisation, qui lui avait permis de retrouver ses parents au lendemain du génocide … ».
Les exemples ne manquent pas pour préciser l’importance d’une stratégie ME réussie, comprise et surtout assimilée par les employés. A l’heure ou encore 36% des entreprises dans le monde ont du mal à recruter (étude Manpower, 2014), la marque employeur est un réel levier permettant de créer de la valeur et de faire face à cette fameuse « guerre des talents ». Elle ne se résume plus à une simple campagne de communication, mais devient un investissement indispensable et rentable. D’abord pour la rétention des talents – à la Google, qui communique sans cesse sur sa culture non conformiste, décalée et innovante, pour rendre l’entreprise attractive – mais aussi pour l’engagement – chez Samsung, la ME contribue au sentiment de fierté éprouvé par les collaborateurs à travailler pour le géant de l’électronique.
Il est alors intéressant de se poser deux questions : la ME, à quoi sert-elle, et à qui s’adresse-t-elle ?
La raison d’être de la marque employeur
La vision que les « autres » (groupes de références du salarié) ont de la marque corporate est très importante car c’est elle qui va permettre au salarié d’affirmer son identité professionnelle auprès de ces groupes (famille, pairs, camarades d’école, etc.). Cela contribue à affirmer l’identité du salarié. Cette image extérieure peut se construire par divers biais : l’expérience-produit, la réputation de la marque dans les médias, etc. Au-delà de l’image extérieure, le salarié perçoit une identité interne à l’entreprise fondée sur les signes distinctifs et centraux de son organisation. Le salarié est ainsi à l’intersection des images interne et externe de l’entreprise. Cependant plusieurs configurations sont encore possibles :
- Le salarié a le sentiment qu’identité organisationnelle et image externe de la marque se confondent. La congruence est donc forte entre identité interne et marque corporate
- Le salarié retrouve quelques points de concordance entre identité organisationnelle et image externe
- Le salarié a le sentiment qu’identité interne et image externe sont « décorrélées » et n’ont pas de point commun
Le salarié nourrit une véritable relation avec la marque corporate, et cette relation provient de ce que la marque peut apporter au salarié et ainsi de la vision que celui-ci a d’elle en tant qu’opportunité. La ME rejoint donc les fondements d’une pyramide bien connue, et permet de répondre aux besoins de sécurité, de reconnaissance et d’estime.
Les facteurs d’émergence de la ME
L’émergence de la ME peut s’expliquer par de nombreux facteurs macro-économiques qui caractérisent les économies développées aujourd’hui.
Selon Chambers et al. (1998), trois facteurs majeurs ont conduit à une guerre des talents et à la nécessité de développer une ME forte pour les entreprises :
- La complexification de l’économie, qui rend nécessaire le recours à des profils de salariés toujours plus complets et multi-compétents afin de répondre à un besoin d’expertise croissant ;
- La hausse du nombre de PME et de start-up, qui ciblent les mêmes profils que les grandes entreprises, ce qui favorise la guerre des talents et rend la compétition toujours plus accrue. Selon une étude McKinsey, en 2020, il risque de manquer 2,2 millions de diplômés à la France tandis que 2,3 millions de personnes peu diplômées ne trouveraient pas d’emploi. De plus, d’ici 5 ans, 222 000 nouveaux emplois pourraient être créés dans les secteurs où se concentrent un grand nombre de postes hautement qualifiés : ceux de la Recherche, du Conseil et de la Technologie ;
- La mobilité croissante de l’emploi d’une à deux entreprises en moyenne en une carrière, on est passé à cinq à la fin des années 90.
A partir des années 2000, d’autres facteurs ont influé sur le marché de l’emploi et ont accru le besoin fort en ME :
- La tertiarisation de l’économie, qui fait de l’individu l’actif principal de l’entreprise et qui rend le recrutement et la rétention des talents indispensables au maintien d’un avantage concurrentiel. Dans ce contexte, l’engagement et l’implication du capital humain de l’entreprise sont fondamentaux afin de délivrer le meilleur service aux clients ;
- L’arrivée sur le marché du travail des générations Y et Z, particulièrement sensibles à l’image de la marque pour laquelle ils travaillent (selon Noble et al, 2009).
Tous ces facteurs rendent nécessaire l’émergence d’une ME forte afin d’attirer et de retenir les talents au sein de l’entreprise et ainsi lui permettre de rester compétitive et performante.
Finalement, à qui profite la Marque Employeur ?
Aux employés potentiels
Une étude de Backhaus et Tikoo (2004) a montré que plus les salariés potentiels s’identifient à la ME d’une organisation plus ils voudraient en faire partie. Les salariés potentiels s’imaginent ainsi le contrat psychologique qui s’instaure entre l’entreprise et ses salariés effectifs. Le contrat psychologique est une sorte de relation d’échange où l’employeur offre au salarié des compétences « commercialisables » sur le marché de l’emploi et donc de l’employabilité en échange de son travail, ainsi que d’autres dimensions, comme des valeurs (diversité, qualité, etc.). La ME est ainsi utilisée par les entreprises pour communiquer sur ce qu’elles ont à offrir et les salariés potentiels s’y identifient, ou non.
Aux employés actuels
Selon la théorie de l’identité sociale, l’identité et l’estime de soi des individus sont en partie déterminées par leur appartenance à des organisations sociales telles que leur entreprise. Si une entreprise est perçue favorablement par ses employés actuels et potentiels, le fait d’appartenir à cette organisation accroît leur estime de soi et leur identification à l’organisation. L’image externe de la ME a donc un effet positif sur l’identité organisationnelle. Cette identification permet ensuite à l’entreprise d’obtenir les comportements désirés de ses salariés.
A l’entreprise elle-même
Selon différentes études, la ME crée de la valeur financière à plusieurs niveaux :
- La ME entraîne une réelle diminution des coûts de l’entreprise (grâce à l’accroissement de la productivité, à la diminution des coûts de recrutement jusqu’à 50% et du turnover jusqu’à 28%, à une meilleure anticipation des besoins, etc.) selon Tulasi et Hanumantha (2012).
- Les employés sont prêts à faire des concessions sur leur salaire lorsque leur employeur a bonne réputation, selon Cable et Turban (2003).
- Les entreprises classées dans le Top 100 des Great Places to Work (classement publié chaque année par le magazine Fortune) et Best Employers ont une performance financière supérieure à celles des entreprises qui ne figurent pas dans ce classement (selon Fulmer et al., 2003 et Love et Singh, 2011).
La ME s’appuie en interne sur l’expérience possible au travail que propose l’entreprise. Cela fait référence à la dimension profondément « expérientielle » du travail et non pas seulement à des critères vus et revus tels que les relations avec les collègues, la rémunération, les opportunités de mobilité, etc.
Ainsi, l’expérience de travail devient pour la ME ce que le produit est à la marque produit par l’intermédiaire du marketing : un gage de qualité, un vecteur d’attractivité, un créateur d’envie.