Révolution des business models : quel avenir pour le Capital Humain ?
Et si Uber, menaçant actuellement la légitimité des taxis, était demain prise à son propre jeu pour disparaître au profit de voitures intelligentes sans chauffeur ? Effarant non ? Et pourtant pas inenvisageable ! En effet, les sociétés ne cessent de rivaliser de créativité pour offrir de nouveaux services aux personnes situées aux quatre coins du globe.
Ce modèle s’incarne dans les sociétés de la Silicon Valley et se décline dans le monde entier à travers des entreprises innovantes, souvent aux dents longues, qui n’ont pas peur de se frotter à de grandes entreprises déjà bien (voire très bien) établies. Elles sont portées par différentes tendances qui mènent bon train la transformation des modèles traditionnels, à savoir :
- L’ubiquité du e-commerce et de son intrication avec des composantes sociales (de recommandation, de notation…) ;
- L’offre croissante de services proposés sur mobile ;
- Le développement incessant de nouveaux outils numériques ;
- La pression des nouveaux entrants.
Pour continuer à prospérer dans cet univers en pleine mutation et faire face à une pression concurrentielle accrue, les entreprises doivent se transformer. Les tendances précédemment citées conduisent donc les sociétés à modifier leur business model, particulièrement en ce qui concerne les 3 domaines clés que sont :
- La production ;
- La vente ;
- La distribution du service ou du produit.
Cet article, ainsi que les 3 qui suivront, ont pour objectif d’analyser les évolutions du Capital Humain induites par ces changements de business models.
Des drivers de mutation
Avant de mettre en exergue les évolutions futures du Capital Humain et afin de bien comprendre les racines de ces changements, il convient de revenir plus en détails sur les tendances guidant les mutations des entreprises d’aujourd’hui.
- L’ubiquité du e-commerce et de son intrication avec des composantes sociales
Depuis l’avènement d’internet, le modèle de distribution traditionnel « brick and mortar » est sur le déclin. Désormais, la majorité des entreprises en lancement propose leurs produits uniquement en ligne au détriment de points de vente physiques. Ce type d’achat ne permet certes pas d’essayer le produit (et encore : dans un futur très proche des start ups comme Fitle ou Fitizzy permettront d’essayer des habits en ligne). Il est par contre aisé de trouver sur la toile des sources d’information détaillées sur tous types de produits, et en cas d’hésitation, les sites comparatifs couplés aux réseaux sociaux aident à trancher. AlloCiné et TripAdvisor sont de pareils exemples de plateformes recensant des avis d’utilisateurs dans les secteurs respectifs du cinéma et du voyage.
Des entreprises ont rapidement saisi le filon de cette intrication et les médias sociaux sont, dès lors, aussi devenus des espaces des plus plébiscités pour la promotion de produits/services en tout genre, en témoigne les fils d’actualité Facebook inondés de publicités natives en tout genre. Cette intrication est si forte que l’on peut même se demander si le concept de publicités ne va pas être profondément redéfini, tant il devient contrebalancé par des influenceurs qui font et défont des modes à travers leur chaine Youtube ou leur propre blog.
- L’offre croissante de services proposés sur mobile
Il est aujourd’hui possible de réserver un billet de train, trouver son chemin, ou encore contrôler son activité physique journalière depuis un smartphone grâce aux applications développées par de jeunes sociétés innovantes ou des entreprises ayant franchi le cap de la digitalisation. Vous l’aurez compris et surement même remarqué dans la vie de tous les jours, une offre toujours plus variée de services se dessine actuellement sur cet outil que plus de la moitié des français possèdent ; d’autant plus qu’il est désormais possible de réaliser un paiement dans un magasin directement avec son smartphone.
- Le développement incessant de nouveaux outils numériques
Comme une généralisation du nombre croissant de services proposés sur mobile, de nouveaux outils numériques, proposant des services jusque-là inimaginables, voient le jour perpétuellement.
Du côté hardware, on pense bien sûr aux tablettes tactiles qui tendent à combiner les avantages à la fois de l’ordinateur et du mobile mais il convient aussi de ne pas oublier la foule d’objets connectés qui commencent à voir le jour. Qui aurait pensé, il y a 20 ans, pouvoir contrôler tout ce qui se passe à son domicile (chauffage, ouverture des volets, personnes présentes,…) et cela de l’autre bout de la terre ? Nous sommes encore aux balbutiements de cette technologie qui s’avère très prometteuse, en témoigne le rachat par Google de Nest (une start up créée en 2010 et spécialisée dans les objets « intelligents ») pour un montant record de 3,2 milliards de dollars ! Ou encore le chiffre avancé par le cabinet McKinsey : d’ici à 2025 les objets connectés devraient créer entre 2700 et 6200 milliards de dollars de valeur ajoutée à l’économie mondiale…
Les évolutions software ne sont, elles non plus, pas en reste, notamment dans le domaine de la data analytics. En effet, il est désormais possible de prédire les besoins de consommateurs, de déceler quels facteurs influencent le plus le chiffre d’affaire d’un magasin d’une chaine ou encore d’aider un médecin à diagnostiquer la pathologie d’un patient grâce à des logiciels d’analyse de données fraîchement développés. Le programme d’intelligence artificielle Watson développé par IBM est un exemple de pareille invention.
- La pression des nouveaux entrants
De nouvelles entreprises, à la structure de coûts allégée, naissent et croissent sur des modèles de développement moins lourds, plus modernes et surtout bien plus réactifs que ceux de leurs pairs fondés dans le passé. Ces entreprises ont fait de l’innovation leur maitre mot et redéfinissent les habitudes des consommateurs, parfois au grand dam des entreprises plus anciennes. En ce sens, la société Uber s’attire actuellement les foudres de nombreuses sociétés de taxi, en proposant une application mobile de mise en contact d’utilisateurs avec des conducteurs à des prix attractifs. Leetchi est un autre exemple de nouvel entrant. Originellement, cette start up proposait juste un service de cagnotte en ligne pour collecter et gérer de l’argent à plusieurs mais à terme, elle envisage de se lancer dans le paiement en ligne et donc de concurrencer des entreprises comme PayPal et les grandes banques.
Les nouveaux entrants ne se doivent pas nécessairement d’être de jeunes pousses, parfois ce sont aussi des sociétés qui se lancent dans des secteurs totalement adjacents à leur cœur de métier initial. Google et sa voiture sans chauffeur, qui risque de concurrencer les constructeurs automobile et même les sociétés de taxi, illustre d’une belle manière cette typologie de nouvel entrant.
Ces nouveaux entrants ont insufflé un nouveau besoin chez beaucoup de consommateurs à savoir celui d’avoir accès à une gamme low cost de services dans de nombreux secteurs d’activité : citons à titre d’exemple Free dans la téléphonie et Uber dans les transports individuels.
Impact sur le Capital Humain
Les tendances précédemment identifiées poussent les entreprises à modifier leur business model, notamment en ce qui concerne les 3 domaines clés que sont la production, la vente et la distribution. Les impacts de ces transformations sur le Capital Humain seront détaillés dans 3 prochains articles à venir. En voici un aperçu :
La production
Dans les années 90, des robots ont commencé à faire leur apparition dans l’industrie. Aujourd’hui, ils sont toujours plus utilisés afin de suppléer et même remplacer les hommes dans des domaines outrepassant celui de l’industrie. Cela se vérifie notamment au Japon qui fait face à un préoccupant vieillissement de sa population (en 2060 son ratio de dépendance sera d’une personne à charge pour un travailleur) et qui mise donc sur l’emploi généralisé de robots dans tous les secteurs d’activité économiques et sociaux. De plus, en parallèle de cette robotisation croissante et à l’heure de la digitalisation des entreprises, de nombreuses tâches de bureau, telles que le calcul/suivi d’indicateurs ou encore la rédaction de documents répondant à un modèle prédéfini, tendent à être automatisées.
Bref, une évolution des modes de production certaine qui soulève des débats : « Allons-nous assister à une hausse croissante du chômage à cause des robots ? », ou alors à l’opposé « Ne faut-il pas considérer cette hausse de la robotisation comme une opportunité pour relocaliser nos activités de production ? »
La vente
De plus en plus fréquemment, les consommateurs vont en magasin uniquement pour essayer un produit, ils font ensuite leur sélection au vue des différents produits essayés puis achètent le produit choisi sur internet. Le magasin devient finalement un espèce de show-room où la force de vente tend à jouer un rôle de conseil pour un achat pas nécessairement immédiat mais possiblement différé sur internet. En ce sens, la profession de vendeur doit être redéfinie. Etam, par exemple, n’utilise plus la dénomination « vendeurs » pour qualifier ses forces de vente de cosmétiques, elle lui préfère le terme de « conseillers beauté».
Par ailleurs, la relation client devient garante de la qualité du produit lui-même et rassure le consommateur. En entreprise, elle occupe aujourd’hui une place prépondérante et ne se cantonne plus seulement au service après-vente connu de tous. Les services clients entretiennent désormais soigneusement le contact avec leurs clients pour s’assurer de leur fidélité. En ce sens, ils doivent devenir transversaux et couvrir l’ensemble du cycle de vie du client, dès sa première prise de contact jusqu’à son départ éventuel. Nespresso s’était attelé à ce défi et l’a parfaitement surmonté avec la création du Club Nespresso, en 2000, qui allie expérience client globale et création d’une communauté de consommateur.
Différentes évolutions qui conduisent aux interrogations suivantes « Comment (re)penser l’évolution de compétences des collaborateurs pour pleinement intégrer ces nouvelles relations clients ? » et « Quels seront les métiers de demain afin d’assurer une expérience de vente multicanal ? »
La distribution
Du fait de la hausse massive d’achats sur internet les consommateurs se doivent d’être livrés, il apparaît donc naturellement de nouveaux systèmes de distribution, comme une alternative aux traditionnels magasins avec pignon sur rue ou à La Poste. Ainsi, le concept français de « drive » remporte un franc succès, un moyen hybride de commercialisation à la frontière du e-commerce et du Brick and Mortar, des plus pratiques.
De plus, les consommateurs s’habituent à des délais de livraison toujours plus courts qu’importe le lieu de l’achat : internet ou magasin physique. Les entreprises se doivent donc de prioriser la variable temps dans leur système de distribution. Amazon a rapidement saisi cette problématique et a développé différents outils pour y répondre. Ainsi, même si son programme Prime Air, qui permettra à ses clients d’être livrés via des drones en des temps record, est encore un peu fantaisiste, une offre de livraison de produits frais dans la journée existe dans des villes comme Seattle. Mais après tout, pourquoi ne pas envisager l’apparition de nouveaux métiers comme celui de pilote de drone ?
Dans ce contexte, le nombre d’employés dans le secteur de la distribution va-t-il croître ? Plus généralement, quels types de nouveaux métiers vont apparaître demain dans ce secteur et quelles en seront les compétences associées ?