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Perspectives

by Akoya

Simplifier l’évaluation pour un variable plus transparent

Comme nombre de travailleurs, vous percevez sans doute une partie de votre rémunération sous forme variable. Le plus souvent, les entreprises utilisent en effet cette partie variable pour récompenser les efforts fournis par les collaborateurs, et fondent leurs savants calculs sur la réalisation d’objectifs préalablement fixés.

Pourquoi le modèle actuel n’est pas satisfaisant

Etant donné que le travail en entreprise se distingue de celui des professions libérales par son caractère collectif, il semble justifié qu’une partie de ces objectifs soient collectifs. Pour autant, on peut être performant individuellement dans une équipe inefficace et voir une partie de son variable fondre comme neige au soleil. Injustice. Pour y remédier, une prime liée à la performance individuelle peut être attribuée.

Mais comme il n’est pas toujours possible d’objectiver quantitativement la performance, des critères qualitatifs ont fait leur apparition. Souvent évalués directement par le manager, ils peuvent apparaître comme subjectifs aux yeux du salarié. A fortiori, quand des problèmes d’entente existent entre un collaborateur et son manager, le risque de biais dans l’évaluation revêt une probabilité non nulle. Injustice encore.

C’est notamment pour éviter ces petites injustices du quotidien professionnel que les évaluations 360 ont le vent en poupe : elles permettent de « lisser » la subjectivité par le nombre. A la nuance près que lorsque le collaborateur a la possibilité de choisir ses évaluateurs, on assiste à l’introduction de nouveaux biais.

Finalement, entre performances collective et individuelle, combinaison de critères quantitatifs et qualitatifs, biais en tout genre, il faut mettre en œuvre de véritables « usines à gaz » pour calculer la rémunération variable d’un collaborateur. Et je parle uniquement ici du cas (déjà appréciable) où ce variable n’est pas attribué à la tête du client !

La fin de la carotte (pas des haricots)

Par ailleurs, plusieurs études sociologiques ont montré que le modèle de la récompense en réponse à l’atteinte d’un objectif peut, certes, avoir un effet à court terme, mais ne provoque pas d’amélioration durable dans le temps. Autrement dit, on est tout à fait capable d’adapter momentanément notre comportement pour atteindre les objectifs fixés sans véritablement changer en profondeur. Faisons ici un parallèle avec la sécurité routière : nombre de conducteurs ralentissent à l’approche d’un radar fixe et s’empressent d’accélérer sitôt l’obstacle passé. Le modèle de la carotte et du bâton fonctionne à court-terme, mais demeure durablement inefficace.

Revenons à l’entreprise, l’idée selon laquelle l’argent est la principale motivation des salariés est une erreur de perception encore trop répandue. La motivation vient avant tout du sens et de l’intérêt que l’on trouve à réaliser son travail, et en particulier à progresser dans son travail. Ainsi, plus que la carotte, c’est la sensation de progresser, de s’améliorer, de se développer qui nous stimule prioritairement. Et favoriser un tel environnement de travail aura tendance à améliorer durablement la performance de l’entreprise.

Fort de ce constat, certaines entreprises comme Google, ont tout simplement choisi de décorréler l’évaluation de la performance des négociations salariales (fixe et variable).

Plus de variable ?

Puisque le variable est compliqué à calculer et, qu’en plus, il n’est pas la première source de motivation, pourquoi ne pas le supprimer tout simplement ? Pour des raisons purement économiques liées à notre système capitaliste : il est à proprement parler une « variable » d’ajustement pour les entreprises, dont la rentabilité demeure une priorité. En cas de coup dur, on ne peut pas baisser les salaires mais on peut toujours « sucrer » les variables et sauver les meubles. Et comme le propos de cet article n’est pas de remettre en cause notre système économique (mais ça nous arrive de le faire), nous conserverons le modèle du variable.

Vers un modèle simplifié

Mais nous en proposons une simplification radicale, inspirée tout à la fois des enseignements précédents (évaluation 360 et environnement propice au progrès) et des nouveaux business model désintermédiés de l’Internet. Si vous utilisez des services en ligne tels que La Fourchette, BlaBlaCar, Trip Advisor, AirBnB, Uber, … vous avez l’habitude d’exprimer votre avis en attribuant une note unique sur une échelle prédéterminée. La plupart du temps, vous pouvez aussi laisser un commentaire pour exprimer votre opinion, positive comme négative.

Pourquoi ne pas adapter ce modèle d’évaluation aux collaborateurs de l’entreprise ? Cela pourrait se traduire par une question simple, de type Net Promoter Score (NPS), en aval de collaborations significatives : « Recommanderiez-vous à vos collègues de travailler avec Untel ? ». Pour favoriser la mise en place d’un esprit de collaboration propice à la performance, la question pourrait aussi bien être : « Avez-vous la sensation d’avoir été écouté et aidé par Untel ? ». Une note de 1 à 5 permettrait d’évaluer la collaboration dans sa globalité, avec un espace libre pour commenter si besoin.

De cette façon, chaque collaborateur serait apprécié par ses clients, ses fournisseurs, ses collègues ; en somme toutes les parties prenantes qui entrent en jeu dans le succès de l’entreprise. Les RH seraient alertés en cas de mauvaises évaluations successives, synonyme probable d’un désengagement ou d’une situation à risque.

D’un système annuel d’évaluation – qui tend à surreprésenter les dernières semaines de travail, plus fraîches dans les mémoires – on glisserait vers un système permanent d’évaluation, davantage représentatif de la réalité. En outre, responsables du Comp & Ben, RH, et managers gagneraient un temps précieux qu’ils pourraient consacrer à des tâches à plus haute valeur ajoutée.

Enfin, contrairement à l’évaluation 360 qui bénéficie d’une seule source de « lissage » liée à la multiplicité des évaluateurs, notre système en profite d’une seconde : le nombre d’occurrences dans le temps des évaluations.

En toute transparence

On peut toujours raffiner le modèle en attribuant des coefficients plus ou moins importants en fonction des responsabilités des « notants ». Voir même aller plus loin et pondérer une évaluation par la note de l’évaluateur, autrement dit, pondérer en fonction de la « crédibilité » de l’évaluateur.

Par ailleurs, une assiette globale de rémunération variable par échelon hiérarchique peut être déterminée à l’avance, la note venant moduler cette assiette. Enfin, la question de l’attribution selon une loi mathématique (linéaire ou logarithmique par exemple) doit aussi être tranchée.

Hormis ces quelques règles, qui peuvent (et doivent) être facilement expliquées, le modèle reste simple et compréhensible par tous. De quoi étancher la soif grandissante de transparence (on vous en parlait déjà avec Glassdoor) des salariés.