Home > Perspectives > Sandrine Girszyn : « Les RH doivent créer leur propre légitimité face aux autres fonctions, et faire ainsi évoluer leur image »

Perspectives

by Akoya

Voici notre cinquième édition de « L’humain en entreprise vu par… », une série d’interviews qui donne la parole à celles et ceux pour qui les ressources sont avant tout humaines. Qu’ils soient RH, managers, dirigeants d’entreprise ou chercheurs, tous nous partagent leur vision du monde du travail et de ses transformations. 

 

Pour cette nouvelle interview, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Sandrine Girszyn, Chief HR Officer, APAC & Europe chez AXA XL. Elle nous raconte son parcours au sein des RH, mais aussi sa vision de la fonction telle qu’elle évolue aujourd’hui, et les problématiques humaines que les entreprises viendront à rencontrer.

 

 

Sandrine Girszyn

Chief HR Officer, APAC & Europe chez AXA XL

 

 

Quelle est votre relation avec les RH, et quel est votre parcours professionnel ?

Je suis dans les RH depuis plus de 20 ans. J’ai d’abord travaillé sur des expertises dédiées (recrutement, formation, etc.) avant de m’orienter vers des fonctions généralistes de HR Business Partner et de gérer des équipes RH dans plusieurs entités en France, puis en Europe. J’évolue maintenant depuis deux ans vers un poste de Chief HR Officer pour la Business Unit APAC & Europe d’AXA XL.

Depuis toujours, je m’attèle à échanger régulièrement avec les leaders business que je supporte. Cela me permet d’avoir une vraie connaissance des enjeux opérationnels et de faire en sorte que toutes les initiatives RH puissent avoir un impact fort, et soient connectées à une réalité terrain.

Je suis convaincue que l’humain est au cœur des organisations et de ses transformations. Je vois mon rôle comme celui d’un « médiateur » à la croisée des projets individuels et collectifs, entre les ambitions d’un grand groupe, d’une de ses divisions et de ses opérations locales. In fine, notre mission est de faire avancer à la fois le business et les individus au sein des organisations.

 

De votre point de vue, quelles problématiques humaines rencontre actuellement l’entreprise ? L’humain est-il suffisamment pris en compte ?

Il est important, lorsqu’on parle de problématiques RH actuelles, de les remettre dans le contexte de la pandémie mondiale que nous avons tous connue ces deux dernières années. Particulièrement parce que celle-ci a mis en lumière l’importance de l’humain dans les organisations mais également un des enjeux majeurs de l’entreprise aujourd’hui : la quête de sens au travail.

Face à la distanciation physique et psychologique, impulsée par le contexte de la pandémie, nous observons que les collaborateurs sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur le sens de leur travail et son rapport avec leurs aspirations personnelles. Nous observons attentivement ces évolutions, nous les prenons en compte et nous attelons à redonner du sens.

Il nous faut également penser aux nouvelles méthodes de travail et à la digitalisation qui se sont accélérées. Dans le contexte du travail hybride, nous devons recréer un mode de travail en maintenant du lien et en créant un sentiment d’appartenance – ce qui doit d’abord passer par les managers, leviers clés de cet engagement.

Une autre grande problématique soulevée ces dernières années dans les entreprises concerne la santé mentale des salariés : comment adresser ce sujet au sein de l’entreprise ? Plus que jamais, les organisations doivent s’assurer que les nouvelles méthodes de travail, qui peuvent entraîner une hyper-connexion des collaborateurs, ne compromettent ni leur satisfaction ni leur résilience, et ne les laisseront pas pris au piège de journées de travail interminables.

Dans le contexte du travail hybride, nous devons recréer un mode de travail en maintenant du lien et en créant un sentiment d’appartenance – ce qui doit d’abord passer par les managers, leviers clés de cet engagement.

Sandrine Girszyn

Quelle est votre vision des RH aujourd’hui ?

Le métier des RH est passé du statut de fonction « transactionnelle » à celui de fonction « stratégique » qui accompagne les organisations dans leur transformation, et c’est justement dans cette dynamique que je vois notre rôle.

Aujourd’hui, les RH prennent de plus en plus de place au sein du Comex et participent en amont à des projets stratégiques liés au business. Notre rôle est ainsi de nous assurer que l’individu soit placé au cœur des projets, car la fonction RH est là pour faire le pont entre les collaborateurs et l’organisation.

Cela demande, bien sûr, un changement de posture de la part des RH dont la fonction doit évoluer. Les RH de demain doivent avoir un rôle stratégique : challenger le statu quo et les équipes de leadership au sein de l’organisation, devenir un véritable « Business Partner » et nourrir l’entreprise de nouvelles perspectives telles que l’inclusion et la diversité, l’évolution des compétences, l’employabilité, le sens au travail, etc.

 

Quelles seront les prochaines évolutions de la fonction RH ?

Pour devenir ce partenaire stratégique pour l’entreprise, la fonction RH va évoluer vers un rôle de coach. Coacher ainsi les leaders, les managers et l’ensemble des collaborateurs signifie les accompagner, les conseiller et être en capacité de les challenger, toujours avec bienveillance.

Les transformations ne se mènent pas de manière isolée mais au contraire dans la coopération. C’est à nous, les RH, de profiter de cette récente mise en avant pour partager nos convictions et faire valoir les actions que nous mettrons en place pour que le business comprenne l’importance de notre rôle dans l’accompagnement au changement, et plus largement, les transformations en entreprise.

Pour porter une vision et collaborer avec le business, il faut surtout oser se placer sur le devant de la scène. Nous devrons continuer à créer la légitimité des RH face aux autres fonctions de l’organisation.

Sandrine Girszyn

Quelles compétences les RH vont-elles devoir développer demain ?

Trois compétences seront, selon moi, cruciales pour la fonction RH de demain.

La première, c’est le « business acumen », autrement dit la connaissance du business par la fonction RH. Pour mieux accompagner le business, il faut avoir un langage commun et comprendre les problématiques opérationnelles de chaque fonction afin d’ancrer nos actions dans une réalité terrain.

La seconde concerne le développement de nos compétences en matière leadership. Être leader dans une organisation veut dire être capable de définir une vision, de prendre des décisions courageuses, d’accompagner les changements. Il ne s’agit donc pas seulement de définir des politiques RH à proprement parler, mais de les « leader », de les porter, de les incarner, les faire vivre.

Enfin, la troisième compétence est pour moi la communication. La fonction RH, historiquement considérée comme une fonction back office, n’arrive pas véritablement à toujours se mettre en avant. Nous nous rendons compte que pour porter une vision et collaborer avec le business, il faut surtout oser se placer sur le devant de la scène. Nous devrons continuer à créer notre propre légitimité face aux autres fonctions de l’organisation, et ainsi faire évoluer l’image des RH dans les organisations.

 

Selon vous, quel est l’enjeu RH de demain ?

Selon moi, l’enjeu principal de la fonction RH sera d’accompagner les organisations dans les prochaines crises et transformations. Il y a quelques années, ces sujets étaient ponctuels, saisonniers (ndlr : projet de réorganisation, crises économiques…) mais ils se sont depuis intensifiés alors que notre rapport au temps, lui, s’est fortement raccourci.

Les RH de demain devront donc répondre plus rapidement, plus régulièrement et plus efficacement aux différentes transformations qui constitueront notre quotidien. L’enjeu est donc l’agilité et la résilience.

Nous vivrons par ailleurs dans un monde encore plus connecté, ce qui n’aura de cesse de challenger la fonction RH et l’amener à trouver des réponses aux enjeux liées au sentiment d’appartenance à une entreprise, à la création de lien entre les collaborateurs et à la protection de leur santé mentale.

Mais pour pouvoir avancer, il faut aussi se poser les bonnes questions : quels sont les rapports humains que nous avons envie de créer, est-ce que ce sont des relations virtuelles ou physiques ? Comment va-t-on réussir à maintenir le lien dans un monde ultra-connecté, l’organisation étant par essence un lieu de rencontres et d’échanges ?

D’autres enjeux, davantage liés à la place d’un individu dans l’organisation, peuvent être identifiés. Nous parlons beaucoup de « rétention », d’« attraction », de « démission » ou d’« expérience employé ».

L’adaptabilité des RH sera donc de mise : c’est ainsi qu’elles pourront répondre efficacement aux nombreuses problématiques des entreprises, comme la guerre des talents. Faire preuve d’agilité, voilà le prochain défi des RH pour accompagner ces dernières tant sur leurs évolutions économiques, structurelles qu’organisationnelles.

 

(Re)découvrez la première édition de « L’humain en entreprise vu par » avec Nathalie Tiberghien : « Les RH doivent produire une performance people, en plus d’une performance planète et profit »